Le mouvement organique : tout en souplesse

Le mouvement organique est une philosophie architecturale moderne d’origine américaine. Le mouvement s’étend progressivement en Occident dès les années 30 et a pour préoccupation principale le bien-être humain. Design et architecture sont alors pensés pour répondre et s’intégrer à leur environnement.

L’architecture : premier terrain d’unité entre l’humain et la nature 

Le courant de pensée voit d’abord le jour dans les années 1880/1890. Surnommée la “Prairie School Tradition”, celle-ci met en lumière pour la première fois le lien entre bâtiments et environnement naturel. Parmi les maîtres de l’Ecole de Chicago, l’architecte américain Louis Sullivan amorce la notion d’architecture organique. Au cours des années 1930, Frank Lloyd Wright fait renaître et évoluer ces principes.  

À la suite de ses recherches, il théorise l’idée selon laquelle une maison nait de la rencontre nécessaire entre les gens et l’esprit du lieu. Convaincu que les bâtiments influencent profondément les personnes qui s’y trouvent, l’architecture organique constitue pour Wright un “idéal moderne”.  

Fallingwater ou Maison sur la Cascade – Ph © Christopher Little, Courtesy of Western Pennsylvania

En accord avec ce principe, Wright réalisera plus de 400 bâtiments au cours de sa carrière. Inspiré par l’architecture japonaise, ses projets se déploient dans l’horizontalité, via des espaces ouverts, des toits débordants et des matériaux traditionnels. Parmi les plus inoubliables, “Fallingwater” (1936-1939) fait la couverture. Quintessence du style organique, la “maison sur la cascade”, construite pour l’homme d’affaires Edgar J.Kaufmann est une réalisation architecturale en parfaite symbiose avec son environnement. Pour ses autres réalisations célèbres, on pense aux Usonian Houses, au Marine County Center, mais surtout au Guggenheim Museum de New York qui obtient une reconnaissance sans pareil.  

Plus qu’un simple courant, le mouvement organique fait partie d’une philosophie architecturale complète. Au même titre que l’architecture, le design organique initie une relation harmonieuse entre l’humain, la nature et l’objet. En ce sens, il descend d’un design que l’on peut considérer comme « intuitif ». Ainsi, il s’oppose au design rationaliste que l’on retrouve par exemple dans l’École du Bauhaus au cours des années 1920. 

Trio scandinave à l’origine du design organique 

Le design organique puise son origine en région scandinave, avant de connaître un succès plus international dans les années 1950. Les habitants y ont une compréhension intime de la nature et de l’artisanat. Le bois tient notamment une place de premier rang dans l’architecture et le design d’objets. Trois designers scandinaves incarnent le design organique : le finlandais Alvar Aalto (1898-1976), le danois Arne Jacobsen (1902-1971), et l’américain d’origine finlandaise Eero Saarinen (1910-1961). Ensemble, ils vont apporter un nouveau savoir-faire en travaillant le lamellé-collé et le contreplaqué. (À l’époque, ces deux matériaux sont complètement expérimentaux, tout particulièrement dans le mobilier !) 

C’est d’abord Alvar Aalto qui, dans les années 1930, souhaite renoncer au design trop « froid » et rigoriste du Bauhaus. Il voit dans l’emploi progressif du tube métallique une bien trop grande rigidité pour la réalisation de mobiliers. Après avoir acquis de la notoriété, Alvar fonde avec sa première femme Aino Marsio la société Artek en 1935 et développe son goût pour les formes organiques.  

 

Organic Chair par Eeero Saarinen et Charles Eames (1940) — © Vitra

À la même époque, Eero Saarinen popularise le design organique scandinave aux Etats-Unis. Avec son collaborateur américain Charles Eames, ils se font remarquer en 1940 en remportant le concours Organic Design organisé par le MoMa. Leur victoire dans la catégorie living-room et chair design amorce leur succès désormais incontesté. La célèbre Organic Chair, est depuis devenue une icône du mouvement. 

Finalement, Arne Jacobsen est influencé au début de sa carrière par le style « Streamline ». Il suit avec attention les travaux de Saarinen et Eames pour ensuite proposer sa vision du mobilier organique dès le début des années 1950. La signature de Jacobsen illustre parfaitement le concept danois Hygge, que l’on pourrait traduire en français par « douillet ». Ce terme signifie dans l’esprit scandinave, les qualités d’un objet très spécial, à la fois tendre et confortable. Jacobsen signe des pièces simples, fonctionnelles et élégantes, associées à des matériaux confortables.  

Des pièces iconiques à ne pas manquer

 

 

Fauteuil 41, ou Fauteuil Paimio par Alvar Aalto (1932)

Le fauteuil n°41 d’Alvar Aalto dit fauteuil « de Paimio » (1932), à l’opposé de l’héritage avant-gardiste européen, peut être considéré comme le premier objet du style organique. Toujours chez le finlandais, son vase Savoy – ou vase Aalto (1936) – devient mondialement célèbre. Il semblerait qu’il soit inspiré à la fois des formes langoureuses des lacs finlandais et de l’eau. Conçu pour le restaurant Savoy à Helsinki, son nom est aussi un clin d’œil du créateur (« aalto » en finnois signifiant « la vague »). Présenté à l’Exposition Universelle de Paris de 1937, ce vase iconique est depuis édité par le verrier Iittala. 

 

En 1948, le couple formé par Charles & Ray Eames met au point une pièce emblématique du design organique baptisée La Chaise. Inspirée par la Floating figure de l’artiste Gaston Lachaise, cette assise permet à son utilisateur de s’asseoir de différentes manières, de la position assise à la position allongée. Conçues avec Eeero Saarineen, l’Organic Chair et l’Organic Highback définissent aussi le courant à merveille avec leurs formes amples et souples permettant une assise confortable. Dans la même lignée, les chaises en plastique des collections DAR, DAX, DAW sont de véritables incontournables. 

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La Chaise, Charles & Ray Eames (1948) — © Vitra

Diamond Chair par Harry Bertoia (1952) pour Knoll

Arieto Bertoia dit Harry Bertoia (1915-1978), designer italien naturalisé américain, conçoit en 1952 pour Knoll une autre célébrité du design organique : la Diamond Chair. Celle-ci rejoint La Chaise dans les créations sculpturales avec ses sièges, qu’il dit « traversés par l’espace ».

La chaise Fourmi (Myremodèle n°3100) d’Arne Jacobsen est également un grand classique du design. Distribuée par le fabricant danois Fritz Hansen, cette assise, comme son nom l’indique, évoque avec simplicité le corps d’une fourmi. Prouesse technique, le siège est formé à partir d’une seule feuille de contreplaqué. En 1957, Arne Jacobsen crée le fauteuil Cygne, modèle n°3320 et le fauteuil Egg l’année suivante. Les deux pièces sont destinées à meubler le hall et les zones de réception du Royal Hôtel de Copenhague. 

 

Adoptez le style organique dès aujourd’hui 

Laissez de côté éléments pointus et angles droits pour considérer le style plus intuitif du mouvement organique. Pour contraster avec des matériaux bruts, rien de tel que les chaises en bois, les murs végétaux et les assises asymétriques. Vos intérieurs se ravivent avec des pièces de mobilier dansantes aux couleurs pastels, des courbes et des formes arrondies liant intérieur et extérieur… Cerise sur le gateau : des pointes de verts, de crème et de marrons sont la promesse d’un intérieur éclectique quoi qu’indémodable. Autant de caractéristiques qui font à merveille le pont entre style organique intemporel et design actuel.

 

Ph. Nautilus House par Javier Senosiain, Mexico City

En quête d’harmonie entre l’habitat humain et le monde « naturel », le design et l’architecture organique se sont attachés à rapprocher les individus de la nature. Les formes biomorphiques qui assuraient confort et élégance, ont tenu leur promesse et font leur retour en force dans les espaces d’aujourd’hui.  

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