Le modernisme, pur et dur

Au milieu des années 1920, un nouveau mouvement architectural – et artistique – voit le jour. Il cherche à établir des normes nouvelles qui parlent le langage de leur époque. Loin de l’ornementation et de la décoration des courants qui l’ont précédé, il se veut simple, pur et fonctionnel. Bienvenue au Modernisme.

Suite à la Première Guerre Mondiale, la reconstruction est une nécessité. Le domaine de l’architecture est en plein essor avec un air de changement qui y flotte : l’établissement de nouvelles normes architecturales dépourvues du surplus de la décoration, concrétisées par l’utilisation de formes géométriques et de lignes droites, dominées par la rationalité et la fonctionnalité, guidées par l’industrialisation et la production de masse, soutenues par les nouvelles techniques et matériaux, et démocratisées par son accessibilité à tous. Les projets commencent par les piliers structuraux, se projettent dans une continuité vers les intérieurs des espaces bâtis et finissent par la conception des meubles.

Les piliers du Modernisme

Des principes simples, tout comme ses formes. Un nouveau mode de pensée et de faire, une nouvelle approche de l’architecture, du design et de l’art. Une idéologie qui place l’homme et son confort au centre, et fait évoluer son cadre de vie en accord avec la modernité. Une industrie au service de l’expérimentation des matériaux et technologies innovantes de son temps. Le modernisme invite au retour à l’essentiel et propose des compositions géométriques basiques, sans décor superflu et avec un fonctionnalisme roi.

Il instaure des principes clairs qui deviennent sa « marque déposée », des caractéristiques clés à sa reconnaissance. Dans le cadre d’un idéal de pureté rationnelle, il a employé des lignes simples, propres – accentuées horizontalement et verticalement – et des formes rectangulaires pour créer des volumes, suscitant une continuité des espaces entre l’intérieur et l’extérieur. Afin de renforcer la fluidité et la connexion des surfaces entre elles, il a multiplié les baies vitrées et a mis en place un système d’intérieurs « modulables » dans lesquels la séparation des différentes pièces est inconventionnelle ou même inexistante, des « plateaux » libres de tout cloisonnement permanent.

Ainsi, la lumière naturelle devient un élément omniprésent, au service du bien-être et du confort humain. L’emploi de techniques industrielles, de systèmes de construction modernes et de matériaux nouveaux – comme l’acier, le béton, le fer et le verre – est typique. Les toits plats, les larges surplombs et les structures brutes, sans revêtements le distinguent.

Le modernisme - Yourse

Pavillon Allemand de Barcelone – © thierrytutin / CC BY

Les figures emblématiques

Si l’on peut parler de « pères fondateurs » du courant moderne, trois noms surgissent incontestablement : Walter Gropius (1883-1969), Ludwig Mies Van Der Rohe (1886-1969) et Le Corbusier (1887-1965).

Bien que Gropius soit le fondateur du mouvement Bauhaus, il a posé les bases de l’architecture moderne et a fortement influencé les architectes du 20e siècle. Il reconsidère les rapports entre l’art et l’industrie qu’il essaye d’unifier et développe sa théorie qui promeut la rationalisation et la standardisation de l’architecture par un nouveau rapport entre la structure portante d’un bâtiment et son enveloppe, et qui s’appuie sur le rôle de l’industrie et les techniques et matériaux innovateurs à l’époque.

C’est Ludwig Mies Van der Rohe qui est à l’origine de l’expression « less is more ». Il a adopté le style moderne et a toujours voulu rassembler l’intérieur à l’extérieur dans la lignée de Gropius. Van Der Rohe séduit par l’expression de ses structures, la transparence de ses volumes et ses proportions harmonieuses. Il se fait connaitre par ses propositions de gratte-ciels en verre et d’immeubles de bureaux en béton avant de gagner sa place au Panthéon du modernisme avec son projet Pavillon Barcelona (1929) à l’Exposition Universelle.

La genèse du modernisme ? Il l’a défini. Le Corbusier a quant à lui bâti un héritage architectural qui a fondé les règles de ce courant. Ses théories ont fait basculer les enjeux du passé vers une nouvelle ère. Ses cinq points de l’architecture caractérisent les lignes directrices de la construction moderne : les pilotis transforment le rez-de-chaussée en un espace de libre circulation ; les toit-terrasses construits en pente pour pouvoir en profiter ; les plans libres dans lesquels les espaces sont ouverts et interchangeables (structure poteaux-dalles) ; les fenêtres en bandeaux et enfin les façades libres (poteaux en retrait). Il met ces cinq points en évidence dans sa Villa Savoye (1928) et bien d’autres projets.

On ne peut oublier pourtant les autres grands maitres et leurs chefs d’œuvres comme Adolf Loos (1870-1933) et la Villa Muller (1930), Auguste Perret (1874-1954) et le Palais d’Iéna (1937), Frank Lloyd Wright (1867-1959) et la maison Fallingwater (1935).
Cherchant l’unité de leurs projets, ils ont été architectes et designers à la fois pour communiquer au mieux leurs visions de la modernité.

Les designers avant-gardistes

Grâce à l’industrialisation, la possibilité de la production en série et l’expérimentation de nouvelles matières a donné une grande liberté aux designers et architectes et leur a permis d’explorer de multiples champs. C’est ainsi qu’en 1929, des créateurs se rassemblent pour fonder l’Union des Artistes Modernes visant à promouvoir un nouvel art de vivre.

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Chaise Métropole – Jean Prouvé © PHOTOGRAPHE STEPHANE BRIOLANT PARIS

Pionnière du design moderne, Charlotte Perriand (1903-1999) a voulu combiner le bien-être de l’individu avec les formes organiques en proposant des designs novateurs par le modèle et les matières. Aux côtés de Le Corbusier et Jeanneret, elle se lance dans sa première aventure avec la chaise-longue LC4 au Salon d’Automne à Paris en 1929.
Jean Prouvé (1901-1984) trouve qu’il n’y a pas de différence dans la manière dont on construit un meuble ou une maison. Il suit une logique de fonctionnalité et de production parallèles à une esthétique épurée. Pour ses designs, il conçoit des structures solides jointes par des mécanismes astucieux, comme la chaise Métropole (1934).
Autres figures exceptionnelles qui ont brillé par leurs créations sont Marcel Breuer (1902-1981) et la Lounge Chair- B35 (1929), René Herbst (1891-1982) et la chaise longue Sandow (1929) et Eileen Grey (1878-1976) et le fauteuil Bibendum (1926), parmi beaucoup d’autres.

Loin de présenter un style revisité, les architectes et designers du Modernisme ont dépassé l’imaginaire de l’époque. Bien que l’hommage qui leur est rendu aujourd’hui est immense, et leur héritage admiré, leur succès n’a pas été immédiat à l’époque. Ils ont osé … et on s’en régale !

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