Pipistrello, belle et rebelle

Que ce soit pour la polyvalence ou l’élégance, la lampe Pipistrello de la designer et architecte italienne Gae Aulenti (1927-2012) nous vient directement à l’esprit. Une star des années 60, elle est aujourd’hui une icône du design. Avec un parcours chargé d’histoire, elle a transcendé la barrière du temps et des modes.

Dire que la lampe Pipistrello est simplement un succès serait un euphémisme. Créée en 1965 pour la maison Martinelli Luce, celle-ci a séduit le public par son style, son originalité et son adaptabilité à tout environnement. Par ses ailes de chauvesouris, elle a pu survoler toute époque pour s’inscrire dans une modernité continue ; elle a défié les normes et les traditions et a dépassé toutes les tendances pour acquérir, de nos jours, un statut d’objet culte ; tout en devenant un « best-seller » de la maison. Pourquoi est-elle donc si unique et intemporelle ?

Exceptionnelle dès ses débuts

Dans une époque où le design industriel connaissait un essor majeur, Pipistrello est venu concilier les traits rigides et la froideur de l’industriel avec les formes légères et courbées de l’Art Nouveau. Voulant rendre hommage à ce courant artistique, Aulenti se dirige vers Elio Martinelli (1921-2004 ; designer et scénographe), ses croquis en main, pour lui proposer son projet. Par son originalité, la lampe est presque révolutionnaire, ce qui convint Martinelli rapidement.
Pipistrello suggère un mélange atypique de styles, alliant les lignes organiques et fluides de sa forme au fonctionnalisme industriel des « sixties ». Comme son nom l’indique, les lignes courbées de la lampe imitent la forme d’une chauvesouris (pipistrello en italien). Les lignes se confondent et se complètent pour construire une composition singulière.
Un projet qui s’inscrit à contre-courant, tout comme sa créatrice. Bien que Gae Aulenti soit assez connue aujourd’hui (notamment en France suite au réaménagement du Musée d’Orsay et l’agencement du Centre Pompidou, dans les années 80), il n’était pas commun pour une femme de se faire une place dans un domaine plutôt conservateur, dominé par les hommes. Pourtant, le génie d’Aulenti ne pouvait pas être contraint par le machisme dominant de l’époque. Elle a combiné les lignes géométriques qui nous rappellent les constructions du Chicago des années 30 , aux lignes sculpturales de l’Art Nouveau dans une harmonie parfaite, tout autant enchantante que dynamique. Elle a rassemblé sa sensibilité et son intuition créatives avec la fonctionnalité et les exigences de l’industrie de son temps, poussant les limites toujours plus loin.

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Lampe de table Pipistrello – Martinelli Luce

Esthétique, fonctionnalité et innovations

Son abat-jour aux nombreuses courbes permet à cette chauvesouris de cacher quatre ampoules sous ses ailes en méthacrylate opalescent blanc et de diffuser une lumière douce, graduelle et homogène. Son pied en Inox brossé est télescopique, réglable en hauteur. On peut ainsi passer de 66 à 86cm et donc bénéficier d’une polyvalence d’usages : lampe de table ou lampe de sol, elle peut être partout. Sa base, en forme évasée, est en aluminium, d’un diamètre de 55cm. Le télescope et le diffuseur en méthacrylate ont été produit par des techniques de moulage, considérées très innovantes et encore peu utilisées dans les années 60. Les couleurs initiales pour le socle furent le blanc et le noir. Une fois posée, Pipistrello gagne sa place … pour longtemps : avec un poids de 10 kilos, il n’est pas évident de la déplacer !
Toutes ses caractéristiques distinguent cette lampe de toute autre et en font un objet unique. Par son assemblage de formes et de matériaux, parfois même opposés, elle se différencie, sans pour autant être classée dans une catégorie précise. Un véritable jeu de construction mythique !

Pipistrello, au fil du temps

Afin de garder sa place et répondre aux attentes d’un marché en constante évolution, la maison Martinelli Luce a proposé plusieurs versions du modèle initial, tout en restant fidèle au design de départ. Plusieurs variations de couleurs sont désormais proposées, comme le brun, le pourpre et le vert agave (en plus du blanc et du noir), et des matériaux comme l’aluminium, le cuivre, l’argent et le laiton satiné. De nouveaux modèles, revisités, sont aussi proposés. En 2013, deux tailles plus petites et plus légères font leur apparition : Med Pipistrello (diamètre de 40cm et réglable entre 50 et 62cm en hauteur) et Mini Pipistrello (diamètre de 27 et en hauteur fixe de 35cm pour un poids de 2,5 kilos seulement) ! Pour accentuer son originalité et lui donner un look amusant, une version cartonnée rejoint même la famille de Pipistrello.

PIPISTRELLO - en location avec Yourse

Exposition « Gae Aulenti: A Creative Universe » au Vitra Schaudepot (Allemagne)

Des éditions limitées ont aussi été réalisée pour marquer les grandes dates de son histoire: pour les 40 ans de la lampe, une version en chrome est lancée en 500 exemplaires et en 2015, afin de fêter son 50e anniversaire, une édition limitée et numérotée est mise en vente, avec un socle en or !
La technologie a pris place dans cette évolution aussi : les ampoules peuvent être remplacées par des LED, des socles sans fil sont produits pour plus de liberté, une version « dimmable » afin de régler l’intensité de la lumière est mise à disposition, et en 2019, la possibilité de personnaliser la lumière à vos goûts (intensité lumineuse et couleur) est mise en œuvre avec Pipistrello 4.0, dotée de la technologie Tunable White Led, à travers une application mobile (en collaboration avec CASAMBI). Depuis sa création et jusqu’aujourd’hui, Martinelli Luce détient les droits exclusifs de production.
D’un côté plus glamour, Pipistrello est apparue dans de nombreux films de cinéma dans les années 70 auprès d’Alain Delon, ou plus récemment avec Gad el Maleh (La Doublure, 2006). En 2013, Google Italie lui dédie un doodle par son moteur de recherche. Elle a sa place dans la collection permanente du fameux Musée des Arts Modernes (MoMa) de New York.

Parce qu’elle sait se trouver une place partout avec toute élégance, parce qu’elle est à jamais sophistiquée et moderne, parce qu’elle s’inscrit dans tout temps et lieu, parce qu’elle est intemporelle, extraordinaire, et « belle comme le jour », parce qu’elle est une star, une lampe d’auteur et un symbole, un seul titre peut lui être attribué : une icône !

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